Credo

Le texte qui suit détaille l’ancrage de notre " philosophie " et son intérêt.

En préalable, il convient de préciser deux notions, importantes pour comprendre notre propos. Elles concernent le quiproquo lié au mot "mal", et le rejet fréquent d’un progrès moral pourtant indéniable.
-Contrairement à un mythe tenace, il n’existe pas de " mal absolu ". Pour reprendre Socrate, "nul n’est mauvais volontairement", ou encore Camus "le mal naît toujours de l’ignorance". Le mal naît toujours d’un bien, réel ou supposé, étendu à d’autres ou ramené à soi. Ainsi le principe du  "mieux-être" guide-t-il toute évolution, très souvent au détriment de l’"autre". Nullement objectif comme on le croit, ce qu’on nomme "le mal" est en réalité la souffrance vécue par celui à l’encontre de qui est pratiqué " le bien ", un bien relatif et subjectif. Développement ici.

- Sur les arguments d’une vision optimiste de l’évolution, voir ici. à la suite du texte sur le mal

Qu’ambitionnons-nous ? Que visent les grandes idéologies, chrétienne ou marxiste, orientales, islamisantes ou athées ? Toutes aspirent, et nous aspirons de fait, à un monde uni dans l’amour, construit dans la fraternité.

Contrairement au marxisme, le message initial du Christ pose l’amour universel non pas seulement comme but, mais comme moyen, comme préalable à l’action juste. La fraternité parfaite qui en découle doit par conséquent constituer le socle primordial de toute forme de relation.

La fraternité vient de l’égalité d’hommes tous nés d’une même source – pour le Christ, Dieu ; l’agnostique et l’athée trouveront d’autres mots pour notre évident ancrage commun. La pratique initiale de la fraternité installe en priorité ses déclinaisons que sont l’empathie, le non-affrontement, le pardon, l’équité, le partage, la charité, le service gratuit. Cette fraternité posée en socle pave un chemin autre que le chemin habituel, "normal", du monde, fait de relations d’opposition, de rapports de force, de contrainte, et au final de souffrances.

Qu’est-ce à dire ?

Tous les systèmes essayés "selon le monde" ressortent imparablement de l’imperfection, du fragmenté. Mêmes animés des meilleures intentions, les dispositifs utilisés par ces systèmes nous maintiennent très largement dans les manques dont ils prétendent nous extraire. Puisés dans notre native opposition entre éléments séparés, ces dispositifs valident peu ou prou la séparation, l’antagonisme, entretiennent les conflits où naissent les souffrances.
Veut-on la paix ? On prépare la guerre. Vise-t-on à la suffisance pour chacun ? On la recherche par le profit ou la confiscation. Prétend-on au partage ? On invite la spoliation. Prétend-on à la Justice ? On convoque la répression, la contrainte, l’arbitraire. Plaide-t-on pour l’égalité ? On s’acharne à l’imposer par la domination ou le nivellement. Plaide-t-on pour l’unité ? On en appelle à la loi du plus fort. Cherche-t-on des amusements ? On en vient vite à enrôler la compétition. Etc.

Les remèdes portent en germe le poison. Prétendant au "bien", les systèmes mondains recourent à des dispositifs d’opposition entretenant le "mal", c’est-à-dire la souffrance . Pour corriger un excès, ils recourent à un excès opposé, parfois à peine moins dévastateur, parfois pire dans ses conséquences.

Chaque geste "selon le monde", aussi bien intentionné soit-il, suscite une souffrance de petite ou grande envergure. Ainsi tente de progresser le monde vers l’unité : à pas rétrécis et doses homéopathiques, cette médication soignant le mal par le mal. Par son efficacité même, et aussi réelles puissent être les avancées qu’il favorise, le système "mondain" entretient une souffrance de relation. Il n’éteint pas mais au contraire entretient la division, l’inégalité, la rancœur, le conflit ; en un mot, la violence d’opposition dont il prétend triompher au final. L’instinct de domination, l’égoïsme matérialiste, la volonté de puissance servent - au moins en partie - de racine à ce système.

La philosophie de France Humanisme retient au contraire l’économie indiquée par le Christ, un système bénéfique pour tous et pour tous temps, y compris sans la moindre pratique ou croyance religieuse !

Ce système propose "simplement" de chercher à agir non pas à partir du système classique, fini, et considérant des éléments séparés, mais d’agir à partir de l’Amour universel liant toutes les créatures. Les critères du temps nouveau sont mis en place selon l’ordonnancement de l’amour parfaitement fraternel. Cet amour (nommé "Dieu" par le Christ) est à la fois le but dont il faut s’approcher et le guide ; la fin et le moyen privilégié. Il est ainsi le phare, qui attire (le but) et éclaire notre nouvelle route (le moyen).

. Pour commencer à fonctionner, ce système demande la "conversion", c’est-à-dire l’adhésion sincère, et non plus le formalisme, l’observation d’une règle imposée  ; l’adhésion, inverse de la contrainte. Et de là, la propagation par contagion *.

Il réclame donc la pratique du libre-arbitre, de la responsabilité personnelle, étendue à l’univers. " Ma liberté commence là où commence celle de l’Autre " en déduira l’existentialisme.

. Vivre selon le Christ revient à utiliser sa puissance personnelle au service de l’Autre ; en définitive, à participer à l’amélioration du monde. Cette puissance cause, non du plaisir, mais la joie du sentiment d’exister. Sur ce point Jésus est sans doute plus proche de Nietzsche que de Pascal.

. Contrairement à ce que l’on croit souvent, Jésus n’a aucune morale " selon le monde " à enseigner. Il n’a rien à faire d’une terre où l’esclave serait plus libre, le pauvre moins pauvre, la guerre régulée par une convention de Genève ! Le chemin de l’amour absolu, entre frères, n’a rien à faire des compromissions ni des demi-mesures. L’égalité fraternelle venant a priori, les divergences de vue ne se règlent pas selon des rapports de force. Il n’y a pas d’adversaire, mais des partenaires.

. Installer sur terre un Royaume selon la fraternité relève de l’Utopie. Comme relevait de l’utopie de faire marcher l’homme sur la lune. Cette utopie est réalisable, par contagion, sur le long terme.

. Cette pratique fraternelle et non-violente peut bien pourtant critiquer, dénoncer, réprouver. Elle commande seulement la recherche de la vérité, de la justice et de l’authenticité.

Des exemples vont tenter d’illustrer ce système, décisif mais encore embryonnaire.

- Selon le régime mondain, la fidélité dans un couple est une condition attachée à la pratique d’un bel amour: une manière d’obligation préalable liée à quelque loi (comme par exemple la "loi divine", contrat passé à l’Eglise par les chrétiens). Le système d’une fraternité primordiale n’a que faire de cette fidélité là. Dans ses vues, l’Amour est la condition de la réussite du couple. Si ce couple s’aime à la perfection - corps, intellect, esprit - alors la fidélité vient comme gain en conséquence, comme marque d’une plénitude, et non comme obligation préalable.

- Pour répartir plus également les biens, des systèmes classiques tentent parfois de confisquer l’argent des "riches". Le processus déplace seulement l’inégalité, la rancœur et les souffrances attachées. Un système selon l’Utopie fraternelle verra le "riche" renoncer volontairement à l’accaparement de biens pour les redistribuer entre tous ses frères humains, satisfait de voir ses capacités employées au bonheur de plusieurs plutôt que ramenées à un seul (lui ou son extension immédiate). L’argent cesse alors d’être un but en soi, source de division, pour (re)devenir utile moyen de relation.

- Restant dans l’économie, regardons l’échec patent du marxisme comme du capitalisme. Repensons ces doctrines en inscrivant leur projet selon une perspective christique. L’Amour posé en préalable emporte le partage et l’égalité entre frères. Et bien, si c’est entre frères que l’on considère alors la production de richesses, la déclinaison retenue ensuite procédera d’une juste répartition. Et pour produire, les frères, refusant de lutter l’un pour éliminer l’autre, se trouveront bien de travailler main dans la main, sans causer de souffrance à l’autre. Alors les deux systèmes, renonçant à leur préalable discriminant, se donneront-ils une vraie chance de réussir.

Marxisme, capitalisme, mais aussi quasiment tous les systèmes de gestion sociale - des castes indiennes aux démocraties conduites sur le mode binaire - fonctionnent à partir du principe d’une relation de domination et / ou de contrainte ; tout l’opposé de la relation fraternelle espérée !.
Le Marxisme se fondait sur une idée toute chrétienne : la fin visée voyait l’union de tous sur une terre procurant à chacun, non plus selon ses mérites mais selon ses besoins. Or cette visée chrétienne ne pouvait qu’échouer, infidèle à deux principes christiques.
Le Christ enseigne que le chemin vers l’Amour passe par la priorité de l’Amour comme moyen. Or, tout au contraire, le Marxisme prenait comme moyen initial l’affrontement entre classes !
Le système du Christ s’adresse à des personnes. Le Marxisme, à des insectes sociaux, de qui donc n’est nullement attendu l’adhésion personnelle, mais la conformité à une règle imposée (pour leur bien, il va de soi).
On ajoutera évidemment que, niant toute spiritualité, et réduisant le monde à une mécanique, le Marxisme niait de fait la véritable dimension de l’homme.


* Le plus fréquemment, les grandes œuvres – celles par quoi s’élève le monde – adviennent à l’instigation de grands caractères. Une personne, parfois une poignée de personnes, s’attache à ouvrir un chemin qui ne doit rien à la facilité et beaucoup à la sollicitude. Par contagion, un groupe de personnes la ou les suit, ralliées par une adhésion consciente et sincère. C’est ensuite, le chemin dégagé et rendu praticable, que la communauté des individus s’engagera, bien moins par conviction que par sensibilité à l’appel d’air.